CIFRE – De « domicile privé » à « lieu de travail » : construction du Droit social dans la branche professionnelle du secteur de l’emploi à domicile
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Les spécificités juridiques de l’emploi à domicile
Le secteur de l’emploi à domicile est un espace particulier de construction du Droit social, de son appropriation par les acteurs qui l’élaborent et par ceux qui le mettent en pratique. Par un dialogue social dynamique entre les différents partenaires actifs dans ce secteur, dialogue qui a permis récemment la convergence des deux branches professionnelles qui le composent, le secteur de l’emploi à domicile a pérennisé de nouveaux droits sociaux pour les salariés des particuliers employeurs.
Le Droit encadre ici les relations de travail entre un employeur – personne physique – qui n’a aucune visée lucrative et un salarié qui entretient un cadre de vie et accompagne souvent des personnes fragiles, en perte d’autonomie, en situation de handicap ou de jeunes enfants. Ce contexte de travail est donc spécifique à plusieurs titres notamment par le sens que lui accordent les acteurs et le lieu de son exercice, un domicile privé, réputé juridiquement inviolable.
De « domicile privé » à « lieu de travail » : construction du Droit social dans la branche professionnelle du secteur des particuliers employeurs
et de l’emploi à domicile[1]
La future thèse devra analyser les conditions de l’élaboration et les objectifs du Droit social dans le secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile et identifier les enjeux en présence lors des négociations menées entre les différents acteurs impliqués dans celles-ci.
Compte tenu du fait que les salariés exercent leur activité au domicile de leur employeur, la progressive construction du Droit dans cette branche professionnelle a adopté et combiné des articles du Code du travail, du Code de l’action sociale et des familles et du Code de la sécurité sociale. A ces textes législatifs et règlementaires, s’ajoute l’obligation de mise en œuvre des directives ou règlements européens[2] et internationaux. Un dialogue social dynamique est aussi à l’origine de la Convention collective de la branche du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile. Une jurisprudence interprète périodiquement le Droit, que ce soit dans le cadre du travail d’un tiers au domicile de son employeur, ou dans le cadre d’une activité accomplie à son propre domicile pour le compte d’un employeur ou dans un lieu tiers (Code de l’action sociale et des familles pour les assistantes maternelles).
La nature des activités et les caractéristiques des employeurs pour lesquels ces missions sont accomplies sont à explorer en priorité. Le domicile privé devenant lieu de travail, peut-on poser comme telle la question d’un cadre juridique de la notion de confiance ? Peut-on supposer que ces relations de travail engageant l’intimité du domicile et la vulnérabilité des personnes accompagnées exposent potentiellement à des contentieux spécifiques[3] ? Dans un contexte de transformation du salariat qui reconfigure aujourd’hui le lien de subordination, observe-t-on une « partie forte » et une « partie faible » du contrat de travail dans la branche professionnelle du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile[4] ? Autrement dit, l’emploi à domicile entre particuliers reconfigure-t-il la relation hiérarchique traditionnelle observée dans le monde de l’entreprise ?
Peut-on faire l’hypothèse que le « travail émotionnel » qu’implique l’exercice d’une activité professionnelle au domicile de son employeur ou au sein de son domicile en tant qu’assistante maternelle, ait des répercussions au niveau juridique ? Si oui, quelle traduction juridique peut-on faire de la mise au service de compétences émotionnelles et de qualités relationnelles dans le travail à domicile ?
Deux axes de travail peuvent être envisagés.
Axe 1 : Une analyse contemporaine de la production et de l’application juridiques
L’analyse des décisions de Conseils des Prud’hommes et de Cours d’appel ainsi que les débats parlementaires mettent singulièrement en évidence les représentations sociales liées à un fait déterminé.
En 2019, pour tous secteurs d’activité confondus, 118 573 nouvelles affaires ont été portées devant les 210 conseils prud’homaux[5]. Le taux d’appels sur les jugements au fond prononcés en 2018 est de 59,7% en premier ressort. L’emploi à domicile, relevant de la section « activités diverses » représente 23,3% des recours au fond, devant la section « encadrement » (20,4%) et la section « industrie » (18,9%). Au-delà de ces éléments chiffrés, peu d’analyses ont été faites sur la nature des décisions rendues. Certes, les questions relatives aux relations professionnelles et au droit du travail dans le cadre de l’emploi à domicile entre particuliers sont déjà documentées par les sciences humaines et sociales, notamment grâce à une méthodologie qualitative. Caroline Ibos[6] a travaillé la question de la syndicalisation des gardes d’enfants ivoiriennes à Paris. Marie Cartier[7] étudie, entre autres, l’appropriation du droit du travail par les assistantes maternelles en France depuis 1977 et Alizée Delpierre[8] s’intéresse à la question du droit dans les relations de travail entre employeurs et employés, et de façon générale à la place quotidienne du droit dans le travail domestique. Quant à Clémence Ledoux et Rachel Krupka[9], elles ont analysé le rôle et les conditions de possibilité du dialogue social en France dans les branches des salariés du particulier employeur, de l’aide à domicile et des entreprises de services à la personne. Mais la spécificité de la relation d’emploi dans le cadre de l’emploi à domicile est susceptible d’apparaitre de façon plus prégnante encore en l’analysant par les contentieux qu’il produit. Cette analyse permettrait de connaître :
Axe 2 : L’analyse socio-historique de la construction du Droit social dans le secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile.
Le travail réalisé au domicile d’un particulier employeur a fait l’objet d’une progressive reconnaissance sociale et juridique dont les archives historiques de la FEPEM gardent une mémoire détaillée. Ces documents révèlent notamment la large part prise par les employeurs et employeuses pour construire un droit du travail solide.[10] Les Archives historiques de la FEPEM ont été données aux Archives Nationales du Monde du Travail à Roubaix et sont donc dorénavant disponibles à la consultation. De plus, le ou la doctorante pourra également s’appuyer sur les archives intermédiaires de la FEPEM.
[1] Pour une présentation de la branche du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile, cf. Annexe, p. 6.
[2] La France n’a pas ratifié la Convention n° 189 de l’OIT notamment en raison des salaires minima conventionnels. La recherche doctorale devra inclure dans son analyse les textes supra-nationaux et examiner les raisons pour lesquelles ils sont applicables ou non en France.
[3] Dans le cadre de missions qui exposent ou impliquent des affects à savoir des compétences des salariés en matière de gestion des relations émotionnelles => accompagner de jeunes enfants, accompagner des dépendances, promiscuité, soins intimes, éthique de l’accompagnement, conflits de valeur, conflit de loyauté, etc.
[4] La place des services mandataires parfois requalifiés en employeurs est à analyser.
[5] Collectivités d’outre-mer et territoriales comprises.
[6] Ibos Caroline, Qui gardera nos enfants. Les nounous et les mères, Paris, Flammarion, 2012.
[7] Cartier Marie, « Classes populaires et emplois de services », Mémoire présenté en vue de l’obtention de l’habilitation à diriger des recherches, novembre 2015.
[8] Delpierre, Alizée, « Un salariat sans droit ? Les usages du droit dans la domesticité à temps plein », Revue française de sociologie, vol. 62, no. 1, 2021, pp. 105-131.
[9] Ledoux Clémence, Krupka Rachel, « Job Quality and Industrial Relations in the Personal and Household Services Sector », rapport de recherche, Commission européenne, 2021.
[10] Puech Isabelle, « Genèse de la convention collective des employés de maison (1930-1951). La mobilisation des employeuses pour la reconnaissance du travail domestique en France », Revue l’Homme et la société, 2021/1-2, n°214-215, p. 31-50.
Starting date
2023-12-04
Funding category
Cifre
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